Ca’ Zenobio et le Collège arménien de Venise
Ca’ Zenobio, un palais pour les fêtes
Dans le sestiere de Dorsoduro, pas loin du Campo Santa Margherita et de l’église des Carmini, s’élève un palais qui donne sur le canal du coté, nommé Ca’ Zenobio. Il s’agit d’un palais en style baroque tardif, sobre à l’extérieur, somptueux à l’intérieur et vaguement intriguant, au point qu’il est devenu ces dernières années la ‘location’ parfaite pour fêtes privées et videoclips (pour les curieux: regarder le video-clip “Like a Virgin” de Madonna). Le nom Zenobio est celui d’une famille d’origine grecque de Vérone, richissime qui, vers 1690, transforme un ancien petit palais gothique en une moderne résidence patricienne. Les Zenobio, propriétaires terriens avaient récemment acquis le titre de noblesse en déboursant des sommes folles pour être enfin enregistrés dans le livre d’or de la République de Venise. Il fallait donc d’abord avoir la résidence convenable à une famille de tel niveau en attendant la bonne occasion pour rentrer officiellement dans la haute société vénitienne. Celle-ci se présenta quelques années plus tard quand la fille du propriétaire se maria à un jeune noble vénitien. Le palais était là et prêt à faire la fête !
Il y a au moins deux bonnes raisons pour visiter le palais: le jardin et la salle de bal.
Le palais possède l’un des plus vastes jardins privés vénitiens. Ce jardin s’étend de manière lumineuse derrière le palais, invisible de l’extérieur, comme s’il s’agissait d’une villa de campagne. C’est rare de retrouver un si grand jardin à Venise, qui souffre une manque chronique de verdure. Au fond du jardin, se trouve une petite Loggia néoclassique que les Zenobio utilisaient pour des rencontres littéraires.
La salle de bal est situé au premier étage du palais avec une exceptionnelle hauteur sous plafond comme incluant le deuxième étage. Elle est aussi appelée ‘salle des miroirs’. Dans cette pièce, on est toute de suite transporté dans une autre dimension, celle des fêtes mémorables du 18ème siècle! La décoration est surabondante : les stucs, l’or, les fausses perspectives, les volutes, les festons et les médaillons, tout invite à faire la fête. L’harmonie de l’espace est garantie par un fort sens d’unité stylistique.
Les scènes à sujet mythologique des fresques des murs et du plafond, intègrent les mirobolantes architectures en trompe-l’œil. Le mythe d’Apollon, dieu de la lumière, domine la salle en glorifiant la famille Zenobio. Les grands et magnifiques miroirs des murs, amplifient l’espace en reflétant à l’infini la lumière de l’or, le blanc et le rose du décor avec un effet scénographique digne d’un grand théâtre. L’orchestre jouait d’une tribune à demi-cachée en hauteur laissant ainsi tout l’espace de danse aux invités.
Le Collège Arménien, une longue histore de relations entre arméniens et Venise
A partir de 1851, le palais est le siège vénitien du Collège de l’ordre mekhitariste arménien.
A vrai dire, les arméniens n’ont rien à voir avec les Zenobio. La famille Zenobio s’éteignît au début du 19ème siècle et les moines arméniens de l‘île de San Lazzaro rachetaient le palais pour le transformer en Collège, une institution qui a representé pendant plus de cent ans, un point de référence pour les jeunes arméniens du monde entier.
Ce n’est pas sans raison, que l’on retrouve à Venise deux centres si importants pour la culture arménienne comme l’île de San Lazzaro et le Collège. Pendant des siècles, les relations entre les deux peuples ont été profondes, basées sur un respect mutuel et sur des florissants échanges commerciaux. Déjà à l’époque de Marco Polo la Grande Arménie était considérée comme une terre exceptionellement fertile. Aujourd’hui encore, à Venise, l’abricot s’appelle ‘armelin’ (arrivé d’Arménie en Europe à l’époque romaine).
Les arméniens importaient des marchandises de grande valeur : or, argent, diamants, épices, colorants pour le verre de Murano, soie, lin, coton, fourrures et tapis.
Quand les rapports avec l’empire ottoman se compliquent, Venise devient un point de référence pour les arméniens qui fuient. Ici ils peuvent professer leur culte, imprimer leurs livres, garantir une continuité à leur propre histoire. Venise s’affirme à travers l’histoire des arméniens comme un lieu de tolérance.
Aujourd’hui, malgré la fermeture du collège par manque de fonds, le palais continue à vivre en organisant des événements culturels comme les expositions d’art contemporain pendant la Biennale. Ce n’est pas exclus donc, de trouver le palais ouvert et de pouvoir rentrer pour jeter un petit coup d’œil!
Giovanna Gradella
BestVeniceGuides.it
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